Chapitre XI
« Ooh non ! » gémit tante Agrippine. Les enfants n’y prêtèrent aucune attention. Dans le calme revenu, naviguer sur le lac Chaudelarmes avait un parfum de croisière. Violette manœuvrait la voile d’une main sûre et le vent n’avait plus de sautes d’humeur. Klaus se repérait sur le point mauve du phare pour guider le bateau vers Port-Damoclès, invisible encore sur la rive d’en face. Et Prunille maniait la barre comme si elle l’avait tenue toute sa vie. Seule tante Agrippine avait peur. Elle avait enfilé deux gilets de sauvetage l’un sur l’autre et toutes les trois secondes elle gémissait : « Ooh non ! », alors même qu’il n’y avait pas l’ombre d’un danger.
— Ooh non ! gémit tante Agrippine. Et c’est du sérieux, cette fois.
— Qu’est-ce qui ne va pas, tante Agrippine ? demanda Violette d’un ton las.
Ils devaient se trouver à peu près au milieu du lac. L’eau était toujours aussi paisible et le phare toujours en vue sur l’arrière, trouée mauve dans la nuit. Il ne semblait vraiment y avoir aucune raison de s’alarmer.
— Nous entrons dans le territoire des sangsues, annonça tante Agrippine.
— Je suis sûr que tout va bien se passer, affirma Klaus, l’œil sur la longue-vue, à la recherche de Port-Damoclès quelque part sur l’horizon noir. Vous nous avez dit vous-même qu’elles sont parfaitement inoffensives et se nourrissent de petits poissons.
— Sauf lorsqu’on a mangé depuis peu, rappela tante Agrippine.
— Dans ce cas, on est bien tranquilles ! la rassura Violette. La dernière chose qu’on a avalée, c’était les pastilles de menthe au Clown Anxieux. Il était à peine midi, et maintenant il fait nuit noire.
Tante Agrippine, tassée dans le bateau, gémit :
— Mais moi j’ai mangé une banane. Juste avant votre arrivée.
— Ooh non, murmura Violette.
Prunille scruta l’eau noire en silence.
— Je suis sûr qu’il n’y a pas à se tracasser, reprit Klaus. Les sangsues sont des animaux tout petits. Si nous étions dans l’eau, d’accord, il y aurait de quoi s’inquiéter, mais à bord d’un bateau… Je les vois mal attaquer. Sans compter que, si ça se trouve, l’ouragan les a fait fuir au diable. Combien je parie qu’on n’en verra pas la queue d’une ?
Klaus se tut. Il pensait ne pas rouvrir la bouche de sitôt, mais, dans la minute qui suivit, il marmotta à mi-voix :
— Quand on parle du loup…
« Quand on parle du loup, on en voit la queue » est un dicton vieux comme le monde, vieux comme les loups, et qu’on emploie lorsque, par exemple, juste après avoir déclaré « Quelle chance qu’on n’ait pas de pluie ! », on voit les premières gouttes étoiler la nappe du pique-nique. Dans le cas présent, inutile de préciser ce que Klaus venait d’apercevoir, juste après avoir achevé sa tirade.
— Quand on parle du loup… répéta Klaus, les yeux sur l’eau.
Là, au ras des tourbillons sombres, venaient de surgir des formes effilées, à peine visibles au clair de lune. Leur longueur n’excédait pas celle d’un petit doigt, et à première vue on aurait dit un nageur s’amusant à pianoter à fleur d’eau. Sauf que la plupart des nageurs n’ont que dix doigts, et que les formes minces furent bientôt des centaines, qui accouraient de toutes parts et frétillaient autour du bateau. Tout en nageant, elles émettaient un curieux chuchotis affairé, un peu comme une foule sournoise susurrant de terribles secrets.
Les enfants regardèrent en silence cette nuée converger vers le bateau, puis heurter légèrement la coque. Mille bouches minuscules se plissèrent de dépit en tentant d’entamer le bois. Pour aveugles qu’elles soient, les sangsues ne sont point sottes ; celles du lac Chaudelarmes savaient bien qu’elles n’avaient pas affaire à de la banane.
— Vous voyez ? dit Klaus, pas précisément rassuré. Nous sommes en parfaite sécurité.
— Absolument, dit Violette qui en doutait, mais jugeait plus sage de rassurer tante Agrippine. En parfaite sécurité.
Mais le pianotement, loin de cesser, se faisait plus exaspéré.
La frustration est un état émotionnel remarquable. Mélange détonant de déception vive et d’un sentiment d’impuissance, elle déchaîne souvent chez le frustré les pires instincts. Frustrés, les bébés ont tendance à tout éclabousser de bouillie. Frustrés, les citoyens ont tendance à décapiter rois et reines. Frustrés, les papillons de nuit ont tendance à se cogner aux lampes et à les souiller de poussière d’ailes. Mais à la différence des bébés, des citoyens et des papillons de nuit, les sangsues sont déjà déplaisantes à l’état naturel. Et l’espèce Chaudelarmes plus que toute autre. Si bien qu’on pouvait se demander quels pires instincts la frustration allait déchaîner en elles.
Dans un premier temps, les menues créatures s’évertuèrent à entamer le bois de la coque, mais leurs dents minuscules ne produisaient d’autre effet qu’un détestable cliquetis. Et soudain, comme un seul homme, toutes se détournèrent du bateau. Les enfants les regardèrent s’éloigner en se tortillant.
— Elles s’en vont, dit Klaus plein d’espoir.
Mais elles ne s’en allaient pas du tout. Dès qu’elles eurent pris assez de recul, elles firent demi-tour avec ensemble et chargèrent en bloc. Avec un grand tchac ! le banc entier emboutit la coque, et le bateau tangua dangereusement. Ses occupants, dans la secousse, faillirent bien tomber à l’eau, tandis que les sangsues s’éloignaient derechef, en vue d’un second coup de bélier.
— Yadec ! hurla Prunille, pointant du doigt le flanc du bateau.
Yadec n’est pas une phrase grammaticalement construite, et pourtant même tante Agrippine en saisit le sens profond : « Regardez ! elles ont fissuré la coque ! » C’était une minuscule fissure, pas plus longue qu’un crayon et plus fine qu’un cheveu, en forme de bouche dépitée, comme si le bateau faisait grise mine. Hélas ! si les sangsues s’acharnaient, le bateau risquait fort de ne pas se réjouir de sitôt.
— Vite ! dit Klaus. Fonçons, ou elles vont mettre ce bateau en pièces.
— Fonçons, tu en as de bonnes ! répondit Violette. Dis au vent de souffler plus fort.
— J’ai peur ! cria tante Agrippine. Par pitié, ne me jetez pas par-dessus bord !
— Vous jeter par-dessus bord ? Personne n’aurait cette idée, s’écria Violette agacée. (Et à mon regret je dois dire que sur ce point elle se trompait.) Prenez une rame, tante Agrippine, d’accord ? Et toi, Klaus, prends l’autre. En naviguant à la fois à la voile et à la rame, on devrait avancer plus vite.
Tchac ! Le banc de sangsues heurta de nouveau la coque. La fissure s’accentua, le bateau roula, tangua. Sous le choc, une sangsue sauta à bord et alla choir au fond du bateau. Elle se tordait comme un ver et cherchait furieusement à mordre. Klaus s’approcha avec précaution et tenta de la renvoyer à l’eau d’un coup de pied. Mais la bestiole s’accrocha à sa chaussure et entreprit de grignoter le cuir. Avec un cri d’horreur, Klaus la fit retomber d’un coup sec et elle reprit ses contorsions frénétiques à fond de cale, étirant son corps de ver mou, ouvrant et fermant la bouche. Violette saisit l’épuisette, cueillit la sangsue et la rejeta par-dessus bord.
Tchac ! Cette fois, la fissure agrandie laissait suinter un peu d’eau dans le bateau. Une petite flaque se formait à vue d’œil.
— Prunille ! appela Violette, tu surveilles cette voie d’eau, s’il te plaît ? Dès que la flaque est assez grosse, tu prends le petit seau et tu renvoies cette eau d’où elle vient.
— Moufti ! cria Prunille, ce qui signifiait : « Entendu ! »
Et, tandis que les sangsues s’éloignaient en froufroutant pour mieux reprendre l’assaut, Klaus et tante Agrippine se mirent à ramer d’arrache-pied. Violette ajusta la voile et garda l’épuisette sous le bras, au cas où une autre passagère clandestine ferait son apparition.
Tchac ! Tchac !
Deux coups d’un coup ? Les sangsues s’étaient scindées en deux équipes ! Tante Agrippine poussa un cri de terreur. Le bateau, fissuré en deux points, prenait désormais l’eau deux fois plus vite. Prunille déserta la barre un instant pour écoper à toute allure. Klaus cessa de ramer pour examiner sa rame en silence. Elle était rongée ici et là, ciselée par les sangsues Chaudelarmes.
— Ramer ne suffira pas, dit-il gravement à Violette. Si on continue à ramer, on n’aura bientôt plus que le manche des rames.
Violette jeta un coup d’œil à Prunille, qui écopait à tours de bras.
— Non, ramer ne suffira pas, dit-elle. Et écoper non plus. Ce bateau va sombrer. Il nous faut des secours.
Klaus scruta le lac frémissant de sangsues voraces.
— Des secours ? Au milieu d’un lac ? En pleine nuit ?
— Il faut envoyer des signaux de détresse, dit Violette.
Et, plongeant la main dans sa poche, elle en tira un ruban. Elle tendit l’épuisette à Klaus et noua le ruban dans ses cheveux.
Klaus et Prunille la regardaient faire. Quand leur aînée attachait ses cheveux pour les empêcher de tomber sur ses yeux, c’est que son esprit d’invention travaillait à plein régime. Et la situation l’exigeait.
— Tu as raison, ma fille, dit tante Agrippine, recoiffe-toi. C’est ce que je fais, moi aussi, quand j’ai peur. On se sent tout de suite mieux quand on se fait belle.
— Elle ne se recoiffe pas du tout, contredit Klaus. Elle se concentre.
Klaus disait vrai. Volette se concentrait. Elle cherchait désespérément, dans les tiroirs de son cerveau, une recette pour signaux de détresse. Elle songeait aux alarmes d’incendie. Sirènes hurlantes, signaux lumineux, les alarmes d’incendie sont un excellent moyen d’appeler au secours. Et les enfants Baudelaire avaient beau savoir que parfois, hélas, les pompiers arrivent trop tard, l’alarme d’incendie est une fabuleuse invention, et Violette se demandait comment bricoler quelque chose d’approchant avec les moyens du bord. Il fallait produire un bruit puissant, afin d’attirer l’attention, ainsi qu’une lumière vive pour permettre aux secours de localiser le bateau.
Tchac-tchac ! Après chaque nouvel assaut, l’eau pénétrait de plus belle par les fissures de la coque. Prunille écopait avec frénésie, mais soudain Violette bondit et lui prit le seau des mains.
— Biffo ? s’indigna Prunille, autrement dit : « Ça te prend souvent ? »
Violette ne prit pas le temps de répondre. Seau à la main, elle grimpait au mât. Grimper au mât d’un bateau n’est déjà pas si facile, mais grimper, un seau à la main, au mât d’un bateau qui danse la gigue est vingt fois plus acrobatique, aussi voilà encore une activité que je vous déconseille formellement. Par bonheur, Violette Baudelaire était d’une agilité sans pareille, et elle atteignit très vite le sommet de ce mât valseur. Là, retournant le seau de fer-blanc, elle en coiffa la pointe, et il se mit à carillonner dans la nuit comme une cloche au matin de Pâques.
Ce petit triomphe fut de courte durée.
— Violette ? lança Klaus, rejetant à l’eau une sangsue furibonde. Tu pourrais accélérer le mouvement, s’il te plaît ? Ce bateau s’enfonce de plus en plus.
Violette accéléra le mouvement. Elle empoigna le coin de la voile et, retenant son souffle, sauta du haut du mât, à pieds joints. Comme elle l’espérait, la voile freina sa chute mais se déchira tout du long, si bien que Violette se retrouva avec une longue bande de toile à la main.
Pendant ce temps, au creux de la coque, l’eau montait, inexorable. Esquivant les sangsues que Klaus ne suffisait plus à réexpédier à l’envoyeur, Violette pataugea vers tante Agrippine.
— Il me faudrait votre rame, s’il vous plaît, dit-elle, roulant en boule sa bande de toile. Et aussi votre filet à cheveux.
— La rame, la voici, ma fille. Mais mon filet à cheveux, je le garde. C’est lui qui tient mon chignon en place.
— Donnez-lui ce filet ! lança Klaus, tout en sautant comme une grenouille parce qu’une sangsue lui mordillait le genou.
— Mais je vais avoir les cheveux dans les yeux ! gémit tante Agrippine. Et je n’y verrai plus rien et, quand je n’y vois plus rien, j’ai peur !
— Pas le temps de discuter ! s’impatienta Violette. Nous, on essaie de se tirer de ce mauvais pas.
— On ne dit pas : « Nous, on », corrigea tante Agrippine. Combien de fois devrai-je vous le rappeler ?
Mais Violette en avait assez. Sans souci des éclaboussures (quoique en évitant les sangsues), elle fondit sur tante Agrippine et lui prit sa résille d’autorité. Puis elle fourra dans ce filet la boule de toile, et, empoignant la canne à pêche, elle accrocha à l’hameçon cette balle de chiffon improvisée. On l’aurait crue prête à pêcher on ne sait quel gros poisson gourmand d’étoffe et de filets à cheveux.
Tchac-tchac ! Le bateau alourdi clapotait comme une baignoire. Ses flancs semblaient près de céder. Violette saisit la rame et, de toutes ses forces, se mit à la frotter contre le plat-bord comme on frotterait une allumette géante.
— Qu’est-ce que tu fabriques ? demanda Klaus, évacuant d’un coup d’épuisette trois sangsues scandalisées.
— J’essaie de créer de la friction. Quand tu frottes deux bouts de bois l’un contre l’autre, tu crées de la friction. A force, la friction provoque des étincelles. Dès que j’aurai des étincelles, je mettrai le feu à cette boule de toile pour en faire un signal de détresse.
— Le feu ? s’alarma Klaus. Mais ça va faire un danger de plus, non ?
— Pas si je brandis ce feu au-dessus de l’eau. Et, avec ce feu en plus du ramdam que fait le seau, bien le diable si on ne nous envoie pas des secours !
Mais Violette eut beau frotter, frotter, nulle étincelle n’apparut. En réalité, c’était peine perdue : le bois était bien trop mouillé – arrosé par l’eau du ciel et par celle du lac Chaudelarmes – pour créer le moindre effet de friction. L’idée était bonne en soi, mais – Violette le comprit très vite – ce n’était pas la bonne idée pour la situation présente.
Tcbac-tchac / Violette sentit monter le désespoir en elle, plus vite encore que ne montait l’eau dans la coque fissurée.
— Ça ne marche pas, murmura-t-elle, et des larmes roulèrent sur ses joues.
Elle songeait à la promesse faite à ses parents, peu avant leur mort, de toujours veiller sur son frère et sa sœur plus jeunes. Et elle n’était même pas capable de les protéger d’une bande de sangsues !
— Ça ne marche pas, répéta-t-elle, laissant tomber la rame. Il nous faudrait du feu, et je n’arrive pas à en faire.
— Pas grave, la consola Klaus qui savait que c’était grave. On va bien trouver quelque chose.
— Toudic, s’écria Prunille, ce qui signifiait : « Ne pleure pas. Tu as fait de ton mieux. »
Mais Violette pleurait. C’est bien joli de se dire qu’on a fait de son mieux, que c’est l’essentiel. En réalité, dans l’urgence, l’essentiel, c’est de réussir. Pas de faire de son mieux.
Le bateau s’enfonçait, l’eau suintait, Violette pleurait sur son échec. Toujours pleurant, sans grand espoir, elle mit l’œil à la longue-vue. Savait-on jamais ? Et si, par miracle, un bateau croisait dans les parages ? Et si le courant, on ne sait comment, avait poussé le bateau à la côte ? Hélas ! il n’y avait rien d’autre à voir que des éclats de lune sur l’eau ridée…
Des éclats de lune ! Lorsque Violette les vit – lorsqu’elle les vit vraiment –, elle se souvint soudain d’une chose très savante : le principe de la réfraction de la lumière.
Le principe de la réfraction de la lumière est une notion scientifique complexe, et pour être franc je n’y comprends goutte, pas même lorsque mon ami le professeur Lorenz me l’explique bien patiemment. Par bonheur, pour Violette, c’était là une notion très claire. Immédiatement, elle se souvint d’une anecdote que son père lui avait racontée, des années plus tôt, comme elle commençait à s’intéresser aux sciences. Enfant, son père avait eu une cousine infernale, qui avait un jour mis le feu à des feuilles mortes en concentrant les rayons du soleil à l’aide d’une loupe, pour le pur plaisir de terroriser les fourmis. Terroriser les fourmis est un amusement ignoble (ignoble signifiant ici « digne du comte Olaf quand il était petit »), mais Violette n’avait retenu qu’une chose : au moyen d’une loupe, on pouvait concentrer les rayons du soleil et allumer un feu. Et s’il était possible de faire la même chose avec des rayons de lune ? À l’aide d’une longue-vue ?
Sans perdre une seconde, elle reprit la longue-vue et dévissa les lentilles. Puis, avec un coup d’œil à l’astre des nuits afin de vérifier sa position, elle orienta les lentilles selon un angle bien précis, calculé par son cerveau.
Les rayons de lune passèrent au travers des lentilles qui les condensèrent en un mince faisceau lumineux, braqué droit sur la toile à voile, dans le filet à chignon de tante Agrippine. Et soudain l’étoffe brunit, noircit, et une petite flamme en jaillit.
— Miracle ! s’écria Klaus en la regardant prendre de la vigueur.
— Incroyable ! s’écria tante Agrippine.
— Bounti ! cria Prunille de sa petite voix aiguë.
— Simple histoire de réfraction de la lumière, dit Violette, modeste, en s’essuyant les yeux d’un revers de manche.
Alors, à pas prudents – tant pour éviter les sangsues que pour ne pas mettre le feu au bateau –, elle s’avança vers la proue. Au passage, d’un coup de rame, elle relança un bon coup sa cloche improvisée, qui tintinabula haut et clair. Puis elle brandit son signal lumineux dans les airs, le plus haut possible au-dessus de l’eau.
Elle était fière de cette torche qui avait finalement daigné prendre feu, grâce au récit de son père. La cousine bourreau de fourmis ne semblait guère fréquentable, mais à cet instant, si elle avait surgi à bord, Violette l’aurait sans doute embrassée.
Son dispositif d’alerte fonctionnait !
Pourtant ce succès n’eut pas que des bons côtés, comme les naufragés le découvrirent peu après.
Quelqu’un fut bel et bien alerté, quelqu’un qui naviguait déjà sur le lac, et qui mit aussitôt le cap sur eux.
Les enfants et leur tante crurent exploser de joie lorsqu’ils virent surgir une voile claire dans la nuit. Sauvés ! Ils étaient sauvés !
Sauvés, ils l’étaient, et c’est le bon côté de la chose.
Mais l’autre côté, le mauvais, fit retomber leur joie comme un soufflé.
Lorsqu’ils virent qui tenait la barre, lorsqu’ils virent la jambe de bois, le bonnet de marin, le bandeau sur l’œil, ils comprirent aussitôt qui venait à leur secours. Et c’était, sans contredit, le pire mauvais côté au monde.